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Bouddhisme et Judaïsme : entre traces et récits, légendes et histoire

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histoire - Bouddhisme et Judaïsme : entre traces et récits, légendes et histoire Empty Bouddhisme et Judaïsme : entre traces et récits, légendes et histoire

Message par Disciple Laïc Mer 1 Jan 2020 - 13:08

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Lionel Obadia est professeur d'anthropologie des religions à l’Université Lyon 2, directeur de l’Ecole doctorale 483 ScSo et ancien directeur du CREA (2007 - 2009).
Il est l’auteur de plusieurs livres dont L’ethnographie comme dialogue (comme éditeur, chez Publisud, 2003), La Sorcellerie (Le Cavalier bleu, 2004), La religion ((Le Cavalier bleu, 2005), Le Bouddhisme en Occident (La Découverte, 2007), l’Anthropologie des religions (La Découverte, 2007) et Clifford Geertz : interprétation et culture (édité avec Lahouari Addi aux éditions Des Archives Contemporaines, 2010), ainsi que de nombreux articles.
En 2016, il publie chez Ellipses Satan.

Il est actuellement responsable du département des Sciences humaines de l'Agence nationale de la Recherche.

Bouddhisme et  judaïsme
Entre traces et récits, légende et histoire

Lionel Obadia
Décembre 2002


Traversant les millénaires, le bouddhisme et le judaïsme paraissent n’être entrés en contact qu’à la fin du XXe siècle et ce dans le contexte des nations occidentales. Loin de se réduire à une simple « découverte » mutuelle, cette rencontre se révèle au contraire au cœur d’un entrelacs complexe de questions d’ordre généalogique. Ce sont des enjeux sous-jacents aux débats actuels sur les rapports entre le judaïsme et le bouddhisme, où la nature et l’interprétation des «traces» mêlent et confondent les discours scientifique et apologétique.


Dans l’optique d’une histoire des religions «classique», le caractère tardif et inédit d’une rencontre réunissant deux traditions religieuses aussi importantes s’explique aisément par référence aux différences constatées entre leurs propriétés intrinsèques, ainsi qu’à leurs développements culturels et géographiques: alors que le bouddhisme rayonnait sur tout le continent asiatique, le confinement du judaïsme aux limites des mondes chrétien et musulman a considérablement restreint ses possibilités de contact direct avec le bouddhisme, d’où la mutuelle indifférence que ces deux religions se sont témoignée au cours de l’histoire. Une telle représentation ne résiste pas à l’épreuve des faits.


La présence du judaïsme en Asie ainsi que les contacts que la tradition abrahamique a entretenu avec les religions extrême-orientales sont, en fait, loin d’être méconnus des historiens des religions modernes. Le judaïsme d’Asie – en particulier sous ses formes sinisée et indianisée – occupe une place tout à fait identifiée dans les sciences religieuses contemporaines et est un domaine d’étude en plein essor. Son objectif – la reconstitution des modes de vie et les vicissitudes d’une diaspora éparpillée entre l’Asie mineure et l’Extrême-Orient – se heurte néanmoins à plusieurs difficultés. La principale réside sans doute dans la variété des indices et des témoignages dont dispose actuellement la communauté savante. Ceci soulève plus de questions que n’apporte de réponses précises.
 


Trajectoire historique : traces, indices, preuves


L’implantation de la diaspora juive en Asie, loin du monde chrétien et « à la périphérie de l’islam1 » n’est pas à proprement parler un phénomène historique localisé, mais un processus étendu dans le temps et dans l’espace. Les communautés juives d’Asie sont, à ce jour, disséminées entre, d’une part, l’Inde, la Chine (Hong-Kong) et le Japon pour les plus importantes (plusieurs milliers d’individus), et d’autre part, Singapour, la Thaïlande, la Corée du Sud, la Chine continentale, l’Indonésie, Taiwan et la Birmanie pour les plus réduites (moins de trois cents individus)2. Brossé à grand traits, l’itinéraire des communautés juives en Asie part du bassin méditerranéen, suit les routes de communication de l’Asie mineure (la Turquie et la Perse) et d’Asie centrale (via les actuels Turkménistan et Kirghizstan), pour parvenir au nord puis au sud de l’Inde, et enfin plonger au cœur de la Chine. Pressés de s’expatrier pour des raisons politico-religieuses (en premier lieu, les persécutions dont ils faisaient l’objet), les migrants juifs nourrissaient également des ambitions de nature économique. En suivant les traces des marchands musulmans, ils furent appelés à jouer un rôle essentiel dans les échanges et dans le développement local de l’économie monétaire, et se sont par ailleurs implantés près des ports ou des voies commerciales terrestres. Quelles qu’aient été les motivations à l’origine de cette diaspora, les civilisations confucéenne et hindouiste se sont avérées bien plus hospitalières et – nonobstant d’inévitables périodes d’oppression – bien moins hostiles pour les juifs que ne l’ont été les environnements chrétiens ou musulmans. Certaines communautés ne se sont fixées en Asie que de manière temporaire (comme ce fut le cas à Shanghai3) pour fuir, par exemple, la montée du nazisme en Europe dans les années 1930 et 1940.

L’ancienneté, la pérennité et le poids démographique des communautés d’Inde et de Chine (continentale) font néanmoins de ces deux dernières des objets privilégiés de recherches sur le judaïsme d’Asie. Leur origine reste toutefois encore assez mal connue. Celle-ci se fond dans le creuset mythique des temps bibliques et balance perpétuellement entre la légende et l’histoire événementielle. Outre les traditions orales et textuelles locales et les annotations dispersées dans les récits de voyageurs, les matériaux utilisés à des fins de reconstruction historique ne sont parfois que de simples traces.


Les chercheurs doivent ainsi se satisfaire d’éventuelles proximités phonologiques et/ou sémantiques entre des termes hébreux et les langues vernaculaires, de comparaison entre des termes de parenté ou des catégories religieuses, ainsi que de reliquats d’une culture matérielle dont l'inventaire et l’examen sont rendus difficiles par la présence massive d’influences stylistiques asiatiques.

Communautés juives en Inde


Plusieurs communautés juives se sont établies en Inde à Cranganore, Cochin ou encore Bombay. A une première vague de migration, sans doute originaire de Perse et d’Asie centrale (au IVe, au Ve ou au VIIIe siècle)4, s’adjoint une seconde issue du Portugal et d’Espagne (au XVIe siècle) et enfin de Perse (les Baghdadi) au XVIIIe siècle. L’histoire des juifs de Cranganore, une communauté distincte de la première vague et consignée sur des tablettes de cuivre dont il existe trois traductions fort différentes5, est très ancienne. Fuyant la pression portugaise au XVIe siècle, elle fusionnera ultérieurement avec une autre communauté, celle de Cochin. Un groupe distinct des précédents, les Bene Israël fait, quant à lui, remonter sa présence en Inde à plus de deux millénaires6. Établis au Bengale, ils se seraient dispersés à travers tout le pays et notamment sur la côte du Malabar. L’histoire de ces communautés hésite entre une généalogie longue, qui remonte directement au règne du roi Salomon7, et des généalogies plus courtes associant les différentes vagues d’émigration vers l’Asie au démantèlement du royaume d’Israël (722 avant J.-C.), à la destruction du second temple (70 après J.-C.) ou, enfin, à l’expulsion des juifs de Jérusalem (135 après J.-C.). Récemment la fondation de l’État d’Israël, en 1948, fut à l’origine d’une importante migration des Bene Israël, qui ont pratiquement disparu d’Inde, et des juifs de Cochin, où réside encore une communauté numériquement importante, ultime témoignage vivant du judaïsme indien.
Communautés juives en Chine


Le judaïsme chinois, s’est, pour sa part, progressivement fondu dans les milieux confucéen ou musulman8 et il n’en demeure actuellement que des vestiges. Il n’en est pas moins ancien. Si on le fait parfois remonter à la période Han (du IIIe siècle avant J.-C. au IIIe siècle de l’ère chrétienne), le périple des juifs à destination de la Chine a sans doute débuté entre le VIIe et le IXe ou le Xe siècles9. Les avis des spécialistes divergent en fait quant à savoir si les juifs chinois étaient originaires d’Inde et auraient gagné la Chine sous la dynastie Song (960-1279) ou s’ils ont, comme leurs co-religionnaires indiens, rejoint l’Asie à partir de la Perse, après la destruction du second temple de Jérusalem. L’existence de larges communautés, quoique révélée par les voyageurs arabes dès le IXe siècle, n’est attestée que bien plus tardivement dans des récits de voyageurs, comme ceux de Marco Polo ou de Jean de Marignolli, et dans les missives des jésuites installés à Pékin qui devaient n’en informer l’Occident qu’au XVIIe siècle. Leur présence dans la ville de Kaifeng aurait abrité la plus large communauté juive de l’empire du milieu, dont une synagogue reconstruite à plusieurs reprises. Elle est attestée par des stèles gravées à des dates différentes (1489, 1512 et 1663 pour les plus « lisibles »), offrant des versions controversées – parce que discordantes – des généalogies prophétiques mais aussi de l’origine des juifs chinois.

Controverses


Confondus avec des musulmans ou avec des chrétiens, – quand ils n’étaient pas purement et simplement convertis –, disparaissant des archives et des récits durant de longues périodes (en Inde, entre les XIIIe et XVe siècles) avant d’y réapparaître subitement, alternativement absents des catégories religieuses locales ou pleinement identifiés (en Chine, comme Zhuhu ou encore Wotuo10 – terme contesté par l’historien chinois Wen Tu-Chien11), les juifs d’Asie se laissent difficilement saisir par l’histoire et l’anthropologie. Leur visibilité est largement fonction, par ailleurs, d’enjeux politiques ou stratégiques (c.-à-d. les rivalités qui les opposaient aux autres représentants de religions «étrangères»).


La publication récente de l’ouvrage The City of Light (1997) par David Selbourne a, de plus, révélé la fragilité des témoignages sur lesquels repose l’histoire du judaïsme asiatique. The City of Light a été présenté par son auteur comme la traduction d’un texte rédigé par un commerçant juif nommé Jacob d’Ancona qui aurait séjourné en Asie au XIIIe siècle. Sur bien des points plus plausible que le récit de Marco Polo, l’ouvrage a pourtant suscité une vive polémique au sein des cercles académiques. Il comprendrait trop d’omissions ou d’erreurs factuelles pour ne pas susciter les plus grandes réserves dans la communauté des historiens modernes. Les refus répétés de Selbourne de fournir le manuscrit original à des fins d’expertise ont achevé de convaincre qu’il s’agissait d’un faux12.


S’il avait effectivement existé, Jacob d’Ancona n’aurait pas été le premier voyageur de confession et de culture juives dans l’histoire des grands explorateurs médiévaux de confession chrétienne, tels Jean Plano de Carpini (arrivé en Asie en 1245) ou de Guillaume de Rubrouck (en 1253). Outre l’antériorité du voyage d’Ancona (entre 1270 et 1273) sur celui de Marco Polo, le principal enjeu autour de la publication de Selbourne est de nature historique et anthropologique. A la différence de ses prédécesseurs, qui n’ont jamais foulé le sol de l’Asie du Sud (en particulier Benjamin de Tolède, dans les années 1160), le récit d’Ancona offrait un manuscrit rédigé de la main d’un témoin direct qui aurait permis de trancher la question de la démographie des juifs de Zaitun13, celle des juifs de Chine dans leur ensemble et aurait fourni un matériau précieux pour l’examen des mécanismes d’acculturation des communautés désormais disparues14.

De la trace à l’origine : enjeux généalogiques



A certains égards, l’intérêt des débats autour de telles «traces» réside au moins autant dans la possibilité qu’elles offrent de combler les carences d’une histoire événementielle que dans les appropriations dont elles ont récemment fait l’objet à l’occasion d’événements qui allaient inaugurer une série de contacts réguliers entre le bouddhisme et le judaïsme en Occident et en Asie.


Après une première rencontre avec le quatorzième Dalaï-lama sur le sol américain en 1989, un groupe de rabbins et d’intellectuels juifs a entrepris de se rendre en Inde, à Dharmasala sur l’invitation du chef spirituel du bouddhisme tibétain, justifié par le désir de celui-ci d’approfondir sa connaissance de la tradition juive. Cette amorce de dialogue inter-religieux s’est prolongée par deux visites du Dalaï-lama en Israël (en 1994 et en 1999). Les débats ont cette fois porté sur des «similitudes» constatées entre les destinées des nations juive et tibétaine, en l’occurrence, l’expérience de la haine et du déracinement, l’attachement à une terre et une histoire sacrée, et surtout, le souci, témoigné de part et d’autre, de préserver les traditions culturelles et religieuses en situation d’exil. L’exemplarité de la nation tibétaine, répondant par la «non-violence» à l’annexion par son voisin chinois15– qui a valu le prix Nobel au Dalaï-lama en 1989 – revêtait en fait une signification particulière dans le contexte israélien où certains mouvements juifs, ralliés à la cause tibétaine, cherchent également une solution pacifiste au conflit qui les oppose à leurs voisins palestiniens.


Dans le même temps, le bouddhisme – au même titre que d’autres religions extrême-orientales – rencontre un écho de nature plus «existentielle» auprès d’Occidentaux d’origine juive (en particulier aux Etats-Unis et en Israël même16) dont l’engagement, à défaut d’être statistiquement significatif, à donné naissance à la catégorie des JuBu (Jewish Buddhists), une synthèse identificatoire mêlant des «racines juives et des pétales bouddhistes» (selon l’expression de Lieberman). L’écrivain Roger Kamenetz, acteur et témoin de cette double rencontre, voit dans les «similitudes» qu’il constate entre la mystique juive et la mystique bouddhique (1994) une explication plausible – mais non exclusive – à l’attrait des juifs pour le bouddhisme17. Mais c’est sous la plume de l’historien américain Nathan Katz que l’idée de parenté (analogique), sous-jacente à ces réflexions, est étendue à sa seconde acception (généalogique). Spécialiste des contacts antiques et médiévaux entre la nation juive et les traditions bouddhistes, Katz a suggéré, à plusieurs reprises, l’existence d’une inte-fécondation religieuse et culturelle entre la nation juive et les nations asiatiques d’Asie du Sud (bouddhiste et hindouiste) à une époque médiévale18. Ceci permet d’expliquer les affinités actuelles entre le bouddhisme et le judaïsme – qu’elles prennent la forme du dialogue inter-religieux ou de conversion.


Pour intéressante qu’elle soit, la démarche de N. Katz est loin d’être originale. Elle s’inscrit dans une idée aujourd’hui répandue selon laquelle le succès du bouddhisme en Occident participerait moins d’une découverte que d’une redécouverte, une affirmation elle-même inspirée d’une idée de type diffusionniste selon laquelle les philosophies et doctrines religieuses de l’Occident auraient été nourries d’influences indiennes19. Devant l’absence manifeste d’influence bouddhiste dans le christianisme et le judaïsme d’Occident (du moins avant leur confrontation actuelle avec les traditions bouddhiques établies dans les nations occidentales), on ne peut alors que s’interroger sur la mystérieuse opération qui aurait permis que se conserve, dans les tréfonds d’un improbable inconscient collectif, un «héritage bouddhiste » et que ce dernier soit réactivé après des siècles de léthargie.

Épilogue


De toutes les tentatives de réinvention de l’histoire, où s’entremêlent rencontre interconfessionnelle et généalogie historique, la plus originale est sans doute celle proposée par David M. Bader, lui-même JuBu, qui offre un bel exemple de synthèse entre l’humour juif et la sagesse bouddhiste. En préface de son Zen Judaism (2002), recueil de haïkus à destination des Occidentaux, l’auteur réécrit, contre toute exactitude historique mais avec le ton décalé qui a fait les beaux jours de l’humour juif new-yorkais, le mythe fondateur du bouddhisme :


«La pratique du judaïsme zen» écrit-il «remonte au fameux Bouddha Gautama du Vie siècle avant J.-C. (…) Il était connu sous le patronyme de Siddhârta, de son vrai nom Sidney Arthur Bouddha. Les parents du Bouddha, Max et Helen, étaient un couple aisé de la banlieue de Kapilavatthu. Ils étaient fiers de leur fils Sidney qu’ils vénéraient presque (…). Les professeurs du Bouddha avaient prédit qu’il deviendrait un jour un grand sage. L’idée effrayait ses parents : pourvu qu’il fasse son droit d’abord ! Mais Sidney avait d’autres plans. Jeune homme las de sa vie confortable et affecté par la souffrance qu’il observait autour de lui, il se décida à renoncer à tous ses biens et devint un moine mendiant. “Moine? s’écria son père, c’est un métier, ça?”20»

Notes

1 Selon l’expression de Salo W. Baron, A Social and Religious History of the Jews, vol. XVIII, seconde édition, revue et augmentée, New York, Columbia University Press, 1983, p. 363 et suiv.
2 Estimations disponibles au mois de mars 2002 sur plusieurs sites Internet : http://www.us.israel.org/jsource/Judaism/jewpop.html ; http://www.wjc.org.il/wjcbook/chartmap.htm
3 Voir à ce sujet l’excellent ouvrage de M. Reynders Ristaino, Port of Last Resort. The Diaspora Communities of Shanghai, Stanford, Stanford University Press, 2001.
4 S. Mendelssohn, Jews of Asia, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co. New York, E. P.  Dutton & Co, 1920, p. 99-100.
5 Ibid. p. 101.
6 K. Blady, Jewish Communities in Exotic Places, Northvale (New Jersey), Jerusalem, Jason Aronson, 2000, p. 215.
7 L’« Ophir » biblique se confondant, dans la légende, avec l’Inde. Cf. S. W. Baron, op. cit., p. 389.
8 Blady, op. cit., p. 257.
9 Le récit du voyageur Abou Saïd signale la présence d’individus de confession juive dès les IXe et Xe siècles.
10 S. Shapiro (ed.), Jews in Old China, Studies by Chinese Scholars, 3e édition revue et augmentée, New York, Hippocrene Books, 2001, p. 4.
11 Wen Tu-chien, « A study of Wotuo (1941) », ibid., p. 12-14.
12 Cette controverse a été révélée au grand public par le journaliste américain N. D. Kristof  « A 13th-Century Traveler to China Comes to Light », New York Times, 21/9/1997.
13 Actuellement Quanzhou, ville située au sud-est de la République Populaire de Chine. La communauté juive aurait été forte, selon Ancona/Selbourne, de deux mille individus, et aurait cohabité avec de nombreux chrétiens européens, musulmans d’origine diverse, et « d’Africains », catégorie non précisée.
14 Le traitement d’un matériau exclusivement textuel n’interdit toutefois pas l’étude des formes de l’acculturation des communautés juives d’Asie. Cf. N. Katz,  « The Judaisms of Kaifeng and Cochin : parallel and divergent styles of religious acculturation », Numen, vol. 42, 1995, p. 118-140.
15 Une telle conception est – faut-il le rappeler ? –  foncièrement réductrice : elle occulte les diverses manifestations de résistance active et les soulèvements du peuple tibétain face à l’envahisseur chinois, dont la célèbre révolte des Khampas, en 1959.
16 Pour un panorama synthétique de ces faits et des questions qu’ils soulèvent, cf L. Obadia, « Buddha in the Promised Land ? Outlines of the Settlement of Buddhism in Israel », in Martin Baumann, Charles Prebish, (eds.) Westward Dharma : Buddhism Beyond Asia, Berkeley, Los Angeles, University of California Press (sous presse).
17 Pour la version française : R. Kamenetz, Le juif dans le lotus : des rabbins chez les lamas, Paris, Calmann-Lévy, 1997.
18 N. Katz, « Contacts Between Jewish and Indo-Tibetan Civilizations Through the Ages : Some Explorations », The Tibet Journal, vol. 16, no. 4, 1991, p. 90-109; et « From Legend to History : India and Israel in the Ancient World », SHOFAR, vol. 17, no. 3, 1999, p. 8-22.
19 Idée que l’on retrouve dans nombre de réflexions actuelles sur le bouddhisme en Occident et qui a été vigoureusement défendue par S.-C. Kolm, Le bonheur-liberté, bouddhisme profond et modernité,  Paris, PUF, 1982.
20 Traduction de l’auteur, extrait de D. M. Bader, Zen Judaism. For You, a Little Enlightenment, New York, Harmony Books, 2002, p. 12-13.

Pour citer cet article
Référence électronique
Lionel Obadia, « Bouddhisme et judaïsme », Socio-anthropologie [En ligne], 12 | 2002, mis en ligne le 15 mai 2004, consulté le 26 décembre 2019. URL : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] DOI : 10.4000/socio-anthropologie.151

Cet article est cité par
Niculescu, Mira. (2017) Boundary crossers. Archives de sciences sociales des religions. DOI: 10.4000/assr.29318


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histoire - Bouddhisme et Judaïsme : entre traces et récits, légendes et histoire Empty Re: Bouddhisme et Judaïsme : entre traces et récits, légendes et histoire

Message par Disciple Laïc Mer 1 Jan 2020 - 13:14

Cela faisait un post trop long alors j'ajoute ceci :

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Archives des sciences sociales des religions :

Lionel Obadia, Shalom Bouddha. Judaïsme et bouddhisme, une rencontre inattendue
Paris, Berg International, 2015, 152 p.
Mira Niculescu
p. 342


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Enfin un ouvrage universitaire sur les Juifs bouddhistes ! Aux États-Unis, dans les années soixante, l’engagement de baby-boomers d’origine juive dans le bouddhisme a été tellement remarqué que l’on a commencé à parler des « Juifs-bouddhistes » comme d’une nouvelle figure à trait d’union. Ce phénomène de la contre-culture devient connu du grand public avec la publication en 1991 du best-seller américain Le Juif dans le Lotus, un récit relatant le voyage d’une délégation de rabbins américains à la rencontre du Dalaï-lama. C’est à partir de cet ouvrage qu’est popularisée l’expression « jubu » comme contraction de « Jewish Buddhist », un terme au départ ironique et à la pertinence controversée, terme que choisit de reprendre Lionel Obadia pour désigner dans son ouvrage ceux qui « conjuguent un héritage juif et un engagement bouddhiste ».

Depuis les années 1990, la figure de Juif bouddhiste fait l’objet d’un engouement médiatique – comme en atteste le nombre d’autobiographies, articles de presse et internet écrits sur le sujet. Par contraste, peu de travaux universitaires ont été dédiés à ce phénomène, et il s’agit surtout d’articles ou de chapitres d’ouvrages collectifs (Vallely au Canada, 2008 ; Loss en Israël, 2010 ; Gez en Angleterre, 2011 ; Ariel aux États-Unis en 2012 ; et Niculescu en France, 2014). Après Torah and Dharma (Linzer 1996), Shalom Bouddha est seulement la seconde monographie à se focaliser sur le sujet. Une telle pénurie académique peut être attribuée en grande partie à la difficulté à saisir l’objet : les « Juifs bouddhistes » sont non seulement malaisés à identifier et à dénombrer, ils présentent également, comme le rappelle à juste titre Obadia, des postures individuelles à la fois uniques et fluctuantes : délicates, donc, tant à définir qu’à saisir.

C’est pourquoi l’on ne peut que saluer la démarche de l’anthropologue français de se pencher sur le sujet. Un sujet qui l’avait interpellé au cours de ses recherches sur le bouddhisme en France et sur le chamanisme en Asie, lorsqu’il avait été frappé par la présence récurrente d’individus d’origine juive parmi ceux qu’il appelle les « convertis ». Après avoir abordé dans une série d’articles les questions de la double posture de Juif et de bouddhiste (2007), de la rencontre entre judaïsme et bouddhisme (2008), et du bouddhisme en Israël (2012), Lionel Obadia consacre avec Shalom Bouddha une courte monographie à cette « rencontre inattendue ».

Dans cet ouvrage, à la réflexion théorique, notamment sur les concepts qui y sont mobilisés tels que « conversion », « religion », « bricolage », « syncrétisme » ou « modernité », a été préférée la description empirique : Shalom Bouddha se focalise sur une série d’impressions et de réflexions de terrain rassemblées pour offrir une vue d’ensemble du phénomène. Après avoir fait état du peu de chiffres disponibles sur le phénomène – les Juifs engagés dans le bouddhisme représenteraient de 6 à 30 % des bouddhistes occidentaux ; après avoir dressé une « brève sociologie des jubus » – à l’image des bouddhistes occidentaux, ils viendraient de classes supérieures éduquées ; et après avoir resitué la « rencontre interreligieuse » entre judaïsme et bouddhisme dans une « histoire longue » qu’il fait remonter à l’Antiquité pour aboutir dans l’Israël contemporain, Obadia brosse à grands traits un portrait idéal typique des « jubus ».

Il se sert, pour ce faire, de deux sources de terrain : la « cohorte anonyme » d’individus juifs rencontrés dans des milieux bouddhistes, et – surtout – des ouvrages autobiographiques de Juifs « bouddhistes », notamment trois d’entre eux, qui relatent respectivement les itinéraires spirituels d’une enseignante bouddhiste Vipassana (Sylvia Boorstein), d’un rabbin massorti (Alan Lew), et d’une enseignante de kabbalah formée au bouddhisme zen (Karen Cobrin-Cohen). La diversité de ces trois profils réunis sous la même étiquette témoigne de la définition large adoptée par l’anthropologue pour parler « des jubus » comme d’un groupe social à part entière, bien qu’il note justement ailleurs qu’il s’agit d’une « catégorie linguistique » sans corrélation systématique avec les réalités vécues.

Afin de comprendre la figure de Juif bouddhiste, Obadia énumère une série de raisons explicatives : aux délaissements du judaïsme à la faveur d’engagements individuels dans le bouddhisme d’abord ; aux retours souvent constatés au judaïsme ensuite ; et aux variations culturelles de ce phénomène aux États-Unis, en Israël et en France enfin.

Dans un second temps, reprenant la typologie proposée dans l’un de ses précédents articles (2007), il identifie trois modèles de « jubus » : ceux qui opèrent une « différenciation horizontale » entre « le judaïsme comme culture et le bouddhisme comme spiritualité » ; ceux qui opèrent une « différenciation verticale » entre ces traditions au sein de leur propre trajectoire croyante (la fameuse image des « racines juives et des pétales bouddhistes ») ; et ceux qui opèrent une « synthèse » sous la forme de « bricolages particuliers ». Cependant, précise-t-il, « le statut de jubu correspond moins à un état stabilisé qu’à un mouvement d’oscillation pendulaire et perpétuel ». C’est pourquoi, considérant que finalement, « la question centrale de l’identité des jubus » est « celle de leur localisation », il identifie trois types de dynamiques : le « détour » pour mieux revenir ; le « départ définitif » sous la forme d’une « pleine conversion » au bouddhisme ; et la « combinaison », sous forme soit de « cohabitation confessionnelle » ou « syncrétisme », soit de « fusion identitaire ». D’après ce dernier modèle, la figure de Juif bouddhiste, qui selon Obadia est « plus que du bricolage et moins que du syncrétisme » se déclinerait donc dans sa forme aboutie, ou bien comme une figure de double « religion », ou bien comme une double « identité ».

En démontrant l’intérêt d’explorer le phénomène des « Juifs bouddhistes », Shalom Bouddha confirme la nécessité pour le sociologue du religieux soucieux de comprendre les effets sur les religions historiques de la globalisation du religieux, de se pencher sur un tel phénomène.


(Pour information. Je ne l'ai pas lu.)
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