Birmanie : la résistance civile face à l’armée

J'ai des infos de première main sur ce qui se passe vraiment là bas car depuis quelques années je correspond avec un jeune homme birman que j'ai rencontré par hasard sur une vidéo YT bouddhiste. Il étudie et travaille a Singapour mais sa famille est toujours en Birmanie, à Rangoon et son père a étudié en France et parle français. Et l'image que les médias nous donnent de la situation est passablement déformée.

Depuis le coup d’État du 1er février, les militaires ont repris le pouvoir en Birmanie. L’armée se considère comme l’incarnation de l’Etat, détentrice du droit et garante de la cohésion nationale.
Tout en préservant ses intérêts financiers bien compris.

Déjà la répression est beaucoup plus violente que les médias ne nous le disent, du moins c'était le cas il y a quelques jours. Là on commence à dire à la TV française que la police et l'armée ripostent à balles réelles. Il y a bien plus de morts et de personnes arrêtées ou qui ont "disparus" que les versions officielles. L'armée empêche les services médicaux de venir en aide aux blessés. Les corps des civils tués sont vites incinérés en prétendant qu'ils sont morts du covid19. Sans même laisser la famille récupérer le corps.


Ensuite, le problème Rohingyas est excessivement anecdotique dans le pays. Son importance à été gonflée dans les médias occidentaux. Et Aung Sang Su Kyi a essayé d'y faire quelque chose le peu de temps ou elle avait un tout petit peu de pouvoir.


La petite minorité de moines bouddhistes "violents" sont à la solde des militaires et la population n'est pas dupe et ne respecte pas ces gens (Comme Ashin Wiratu). Wiratu n'est en rien représentatif du pays, malheureusement Barbey Shroeder a "servi la soupe aux islamistes" en faisant un film sur ce pseudo moine (enfin c'est mon opinion) ("Le Vénérable W"). Ce sont les militaires qui ont "créé" ce "bouddhisme nationaliste" violent car les moines ont un poids moral très important dans le pays. Mais depuis des années le gros des moines est opposé à la junte et proteste aussi dans les rues. Ces derniers jours y compris, moines et moniales accompagnent les manifestants, on a des images.


L'armée n'hésite pas à frapper et tuer des moines aussi et à intervenir dans des temples qui accueillent des manifestants blessés.


La nuit des hommes en civil et des snipers terrorisent la population.


La Chine n'est pas du tout favorable à ce coup d'état, au contraire, elle préférait le régime antérieur et le gouvernement chinois est plus proche d'Aung Sang Su ki que de l'actuelle junte. La prix Nobel de la paix avait rassuré les Chinois sitôt qu'elle avait été placée au pouvoir. Le général en tête de la junte actuel n'est pas spécialement pro-chinois.


Les Chinois ont de puissants intérêts géostratégiques et énergétiques en Birmanie, ils ne veulent pas d'un pouvoir trop "fort" qui puisse négocier commercialement pied à pied avec eux mais une situation complètement chaotique comme actuellement ne les arrange pas du tout.


La résistance passive du peuple est inattendue. Pour mon correspondant la junte actuelle est a bout de souffle, ils sont dans un cul de sac. Les grèves massives y compris dans le domaine de l'énergie et des services de santé sont catastrophiques au regard de la pandémie de covid19 qui frappe aussi le pays. L'armée est obligée de menacer par les armes et de forcer à travailler certains employés dans les services cruciaux.


Aujourd'hui d'ailleurs à l'ONU le diplomate représentant la Birmanie a rejeté son propre gouvernement, appelé à soutenir le peuple et a supplié la communauté internationale d'intervenir. Il a d'ailleurs été rapidement demi de ses fonctions par la junte.


Dans les rues civils et moines défilent en réclamant une intervention de l'armée américaine. (on a des images explicites).


Les preuves du pillages des banques par les militaires et de viols pratiqués par ces même militaires sur la population sont connues de tous là bas.


L'actuel général à la tête de la junte arrivait en fin de "mandat" dans l'armée et craignait apparemment un procès pour crime contre l'humanité puisqu'il a participé aux exactions contre les Rohingyas. C'est une fuite en avant. Lors des dernières élections le parti des militaires a pris une claque monumentale mais dans un système constitutionnel qu'ils ont eux mêmes mis en place en 2008 je crois, ils n'ont même pas admis les résultats du systèmes qu'ils ont eux mêmes mis en place.


Pour dire, mon correspondant, pour diffuser les informations qu'il diffuse, risque en théorie 20 ans de prison ! Mais comme ils sont des millions de Birmans à diffuser des infos sur la toile, la junte peu difficilement arrêter tout le monde.

Le problème c'est qu'il y a un clergé bouddhiste à la solde de l'armée et un autre qui s'y oppose, en fonction de qui vous allez interroger vous aurez différents sons de cloche. Normalement l'Etat n'a pas à financer les moines, ceux ci doivent vivre des aumône publiques, des fidèles, a partir du moment ou ils sont financés, autant dire que ce sont des fonctionnaires et qu'ils vont défendre le régime politique qui leur donne de l'argent.


Un "bouddhisme d'état" comme on en a vu se développer au fil du temps en Asie est de toute façon une hérésie en un sens, un aberration. (Comme d'ailleurs pour le Christianisme, ni Jésus ni le Bouddha n'ont demandé qu'on mette en place des régimes politiques en leur nom).


Il y a peu, hier ou avant hier on a même vu a Rangoon je crois une contre-manifestation en faveur du régime de la junte actuelle...


Quand à Aung San Suu Kyi il est facile de la critiquer... mais son pouvoir réel dans le précédant gouvernement dépendait du bon vouloir de l'armée. L'armée avait gardé le pouvoir réel.


Il est sûre que ceux qui profitent du régime de la junte militaire, qu'ils soient civils ou religieux, ne peuvent voir que d'un mauvais oeil les manifestations actuelles.


Le pays est riche : pétrole, gaz, position stratégique, patrimoine architectural touristique, est pourtant 65% de la population il me semble vit dans un très grande pauvreté.

Cet après midi France Info annonçait 17 morts parmi les manifestants.

Hier soir c'était grimpé à 37 morts, en une seule journée apparemment. Mon correspondant, Win, m'a dit ce matin sur Face Book qu'il avait pleuré devant des images ou l'on voyait une jeune fille de 19 ans, protestataire, se faire tuer d'une balle dans la tête.


France Info maintenant donne des infos assez directes, ils disent clairement que l'armée birmane riposte à balles réelles en plus d'utiliser aussi d'autres armes comme des grenades soniques ou des gaz lacrymogènes.


Il y a quelque jour à l'ONU le diplomate représentant la Birmanie a carrément dénoncé son propre gouvernement et supplié la communauté internationale d'intervenir car l'armée s'en prend au peuple. Evidemment il a été démis de ses fonctions immédiatement par la junte.


J'ai vu des vidéos explicites ou en effet des manifestants réclament une intervention de l'armée américaine.


D'après mon correspondant Win, la police et l'armée ne se préoccupent même plus de prétextes pour entrer chez des gens et faire des rafles ou brutaliser, y compris de nuit. Purement et simplement un règne de terreur.

Encore une image d'il y a quelques jours qui montre que l'armée n'hésite pas à s'en prendre à des moines quand ceux-ci soutiennent la population. C'est à peu prêt comme si (dans une certaine mesure) notre gouvernement français était devenu une dictature militaire a n'hésitait pas à s'en prendre a des prêtres catholiques dans les manifestations si ceux-ci soutenaient le peuple. Le bouddhisme a encore énormément de poids en Birmanie (plus que l'Eglise Catholique en France je pense), mais le lien entre le bouddhisme et la société birmane est au moins aussi ancien que celui entre le Christianisme catholique et la société française.

Si cela intéresse plus précisément quelqu'un je peux, je pense, sans problème donner l'adresse du compte Face Book de mon correspondant Win.


La Corée du Sud a pour le moment cessé ses relations commerciales (en partie du moins) et ses accords de développement économique avec la Birmanie ainsi que ses ventes d'armes.


Comme dit plus haut, là ce n'est même plus contre la minorité Rohingyas qu'il y a des accusations de crime contre l'humanité, c'est l'émissaire des Nations Unies qui parle de crime contre l'humanité de l'armée contre la population en général elle même.


C'est d'ailleurs le même militaire à la tête actuelle de la junte qui avait mené la répression contre les Rohingyas.

Un élément de plus de compréhension :


J'ai demandé à mon correspondant, Win, comme des soldats élevés dans une culture bouddhiste (ou le refus de tuer tout être vivant sensible est clairement exprimé sans exception aucun surtout dans pays de tradition du Petit Véhicule, le plus traditionnaliste), dans un pays de tradition bouddhiste depuis des siècles voir millénaires, pouvaient accepter et exécuter de ordres aussi infâmes (comme ouvrir le feu sur un groupe de gens assistant aux obsèques d'un protestataire tué par les forces de l'ordre ou débouler dans un maison sans raison, chercher à tuer le père de famille uniquement pour terroriser tout le monde, et tuer une enfant par mégarde qui se réfugiait dans les bras de son père). Il m'a expliqué que les casernes militaires sont complètement coupées de la population, elles vivent en autarcie alimentaire, sans communication avec ce qui se passe vraiment, sous la coupe d'un pseudo clergé bouddhiste qui est en fait politisé et ils subissent un bourrage de crâne intense qui leur fait croire qu'ils agissent pour le bien du bouddhisme, qu'ils défendent la foi en plus du pays. Quelques uns on assez de sens moral personnel pour comprendre que les ordres sont inacceptables et s'enfuient à leurs risques et périls, dans des pays voisins, policiers comme militaires. Ils sont peu nombreux mais y en a. Malheureusement les pays voisins n'en veulent pas.


Comme quoi les méthodes ne changent pas....

La junte au pouvoir a rebaptisé la Birmanie Myanmar pour effacer disait-elle le passé colonial britannique. Mais le camp démocratique d’Aung San Suu Kyi défend encore le nom Burma en anglais ou Birmanie. Voici "Le dessous des cartes" d’un pays singulier entre influence indienne et chinoise, très difficile à unir, en raison de sa diversité ethnique, religieuse et linguistique.
Sous le joug d’une dictature militaire entre 1962 et 2010, la Birmanie connaissait avant février 2021 une transition démocratique menée notamment par celle qu’on surnommait « la dame de Rangoon ». Elle est désormais de nouveau en prison, et les militaires au pouvoir ont mis fin à la jeune et fragile démocratie birmane. Mais le peuple ne se résigne pas et les grandes puissances dont la Chine et les États-Unis, suivent d’un œil attentif la destinée hasardeuse d’un pays stratégique.